Yves Saint Laurent adolescent imagine la maison de couture de ses rêves : « Yves Mathieu Saint Laurent Haute Couture Place Vendôme ». Avec du papier, des ciseaux, de la gouache et de l’encre, il en dessine les collections pour des poupées de papier dites Paper dolls. Dans les magazines préférés de sa mère, Vogue, Jardin des Modes ou Paris-Match, il découpe les silhouettes de ses mannequins favoris et les habille de robes et d’accessoires de son invention.

La Fondation Pierre Bergé -Yves Saint Laurent conserve 11 poupées, près de 443 vêtements et 105 accessoires datés de 1953 à 1955, témoignages saisissants de cette activité d’apprenti couturier.

Des programmes de défilés accompagnent les poupées et dénotent une connaissance approfondie du milieu de la mode. Les meilleurs fournisseurs sont mentionnés : les tisseurs Bianchini-Ferier, Abraham, Bucol, Hurel, Staron, Brossin de Méré, les fourrures Révillon et Emba, les bijoux de Scemama, les souliers de Perugia, les gants de la maison Alexandrine… Saint Laurent précise que ses mannequins sont coiffés par Carita et maquillés par Elizabeth Arden.

Dans son casting de mannequins vedettes figure Bettina qui est dans la vraie vie l’un des mannequins stars de l’époque. L’adolescent lui fait jouer le rôle de la jeune fille sportive qu’elle tient vraiment dans les magazines des années cinquante. Il y a aussi Suzy, traitée en icône glamour et qui correspond bien à la véritable Suzy Parker dont l’image est célébrée alors par les grands photographes de mode. Saint Laurent a tout prévu, comme s’il allait présenter ses collections à de véritables journalistes et clientes.

Les jeux d’enfants sont réputés être davantage que des amusements, un véritable apprentissage de la vie. A travers le divertissement sérieux d’un adolescent qui joue au couturier se dévoilent la volonté d’une ambition et la force d’un destin.